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- Une succession simple… qui tourne mal
- Pourquoi les « gros dossiers » sont mieux suivis
- Quand professionnalisme et déontologie font défaut
- Renoncer peut être un choix légitime
- La médiation : une alternative ignorée
- Une autre façon d’exercer existe
- S’informer pour ne pas subir
- Se protéger et savoir changer de professionnel
On imagine souvent qu’une succession ne devient difficile que lorsqu’il y a un patrimoine important ou des conflits familiaux. Pourtant, c’est fréquemment dans les successions modestes que l’on rencontre les plus grandes difficultés — non pas à cause de leur nature, mais parce qu’elles sont trop souvent négligées par les professionnels censés les accompagner.
Une succession simple… qui tourne mal
Dans notre cas, la succession n’était pas complexe : peu de patrimoine, pas de tensions familiales insurmontables. Nous avions seulement besoin d’un accompagnement clair et rigoureux.
Mon expérience s’est déroulée avec une avocate inscrite au barreau de Paris, exerçant dans un cabinet situé dans un arrondissement central. Je ne donnerai pas de nom, car mon objectif n’est pas de pointer un cabinet en particulier, mais de partager ce que j’ai vécu afin d’alerter d’autres familles.
Pourtant, au lieu d’obtenir des réponses précises, nous avons été confrontées à un manque de suivi, à des informations contradictoires, et à des pressions pour accepter un partage partiel qui n’était pas dans notre intérêt.
Pourquoi les « gros dossiers » sont mieux suivis
Contrairement aux idées reçues, ce sont souvent les grosses successions qui suscitent davantage l’attention des notaires. Pourquoi ? Parce qu’en cas de retard dans la déclaration ou le paiement des droits, l’administration fiscale impose des pénalités : 0,20 % d’intérêts par mois de retard et jusqu’à 10 % de majoration à partir du 13ᵉ mois. Plus l’actif et la part taxable sont élevés, plus le risque financier est important. Les notaires, conscients de ces enjeux, suivent alors ces dossiers de près.

À l’inverse, les successions modestes, souvent en dessous des abattements fiscaux (100 000 € par enfant), ne déclenchent pas cette même urgence. Résultat : elles sont parfois mises en attente, traitées en dernier, comme si elles avaient moins d’importance. Pourtant, ce sont justement les familles disposant de peu de moyens qui souffrent le plus d’un manque d’accompagnement et de clarté.
Quand professionnalisme et déontologie font défaut
On attend des notaires et des avocats qu’ils soient des professionnels de confiance, impartiaux, garants de la loyauté et de la protection de leurs clients. La réalité est parfois plus amère : même en payant un avocat, il arrive que les conseils donnés soient imprécis, contre-productifs, voire pénalisants pour le reste de la vie des héritiers.
Les principes essentiels de la profession d’avocat sont l’indépendance, la probité, l’humanité, l’honneur, la loyauté, le désintéressement, la confraternité, la délicatesse, la modération et la compétence. »
(Article 1.3 du Règlement Intérieur National de la profession d’avocat, Conseil National des Barreaux)
Certaines personnes, déjà fragilisées, se retrouvent alors démunies, face à des décisions qu’elles ne comprennent pas totalement. Or, accepter un partage ou rester en indivision sans avoir tous les éléments en main peut avoir des conséquences lourdes et durables.
Un autre point essentiel mérite d’être souligné : le contraste entre les recours possibles contre un notaire et contre un avocat. Dans le cas d’un notaire, la Chambre des notaires ne dispose pas d’un système efficace pour contrôler et sanctionner les manquements à la déontologie. À l’inverse, pour les avocats, il existe la voie du bâtonnier, qui permet à la fois de contester les honoraires et de demander une enquête disciplinaire. Ce déséquilibre laisse souvent les familles démunies lorsqu’elles subissent des blocages ou un suivi insuffisant de la part d’un notaire.

Il est également important, si vous êtes en situation de fragilité (maladie, handicap, contexte familial difficile), de le signaler à votre conseil. Un professionnel compétent doit alors redoubler de vigilance et vous protéger. Malheureusement, dans la pratique, lassés par des procédures longues et peu rentables, certains relèguent leurs valeurs et leur professionnalisme au second plan. Les familles en paient directement le prix.
Lors de mes démarches, j’ai consulté un avocat, ancien notaire, qui m’a confié que dans la pratique, les notaires sont rarement inquiétés pour leurs retards ou leurs manquements. Selon lui, ils disposent toujours de “bonnes excuses” : bilans de fin d’année, successions plus importantes à traiter en priorité, dossiers jugés plus rentables… Résultat : les familles aux patrimoines modestes se retrouvent souvent reléguées au second plan, sans véritable moyen de recours rapide.
Les notaires disposent bien d’un code de déontologie qui leur impose impartialité, probité, diligence et respect du secret professionnel. Mais dans la pratique, beaucoup de critiques portent sur le fait que les manquements à ces règles sont rarement sanctionnés. Les manquements, lorsqu’ils sont signalés, sont jugés par des instances composées majoritairement de notaires eux-mêmes, ce qui alimente le sentiment d’une profession « intouchable ». Ce fonctionnement nourrit l’idée d’une impunité structurelle, qui fragilise la confiance des familles, en particulier lorsqu’il s’agit de successions modestes.
Renoncer peut être un choix légitime
ll ne faut pas oublier que renoncer à une succession peut être une option parfaitement rationnelle. C’est notamment le cas lorsque le bien concerné est situé dans une zone sans perspective de valorisation, ou qu’il risque d’engendrer des charges lourdes et continues. Dans ce cas, mieux vaut parfois accepter une liquidation claire, même modeste, que de rester prisonnier d’une indivision coûteuse et paralysante.
HabitationQuel est le coût d’un artisan plombier à Paris 2 ?Il faut aussi avoir en tête la question de l’usufruit : si la personne usufruitière (par exemple, le conjoint survivant) ne peut pas régler ses charges, ce sont alors les nus-propriétaires qui doivent les assumer à sa place. Cela signifie qu’un héritier peut se retrouver à financer un bien dont il ne profite pas réellement, ce qui fragilise encore plus sa situation.
La situation peut devenir encore plus complexe si l’usufruitier laisse lui-même un héritier au moment de son décès. Dans ce cas, ce nouvel héritier rejoint l’indivision avec les nus-propriétaires initiaux. On se retrouve alors avec davantage d’acteurs autour de la table, ce qui augmente mécaniquement le risque de désaccords. De plus, au fil des années, le bien immobilier concerné a pu perdre de sa valeur, soit parce qu’il a vieilli et nécessite davantage d’entretien, soit parce qu’il est situé dans une zone où le marché est peu porteur. Lorsqu’il s’agit de vendre, tous les héritiers doivent se mettre d’accord sur une valeur de cession, ce qui peut prolonger la situation de blocage pendant de longues années.
Il est également important de rappeler que tant qu’un héritier n’accepte pas de liquidités, ne paie pas de frais ou ne prend pas possession d’un bien immobilier de la succession, il n’est pas engagé. Le délai légal pour se prononcer est de dix ans : avant ce terme, chaque héritier conserve la possibilité de réfléchir, d’attendre ou de renoncer.
La médiation : une alternative ignorée
Il existe pourtant une voie qui pourrait éviter bien des blocages : la médiation. Elle permet d’ouvrir le dialogue, de clarifier les intentions et de réduire la méfiance entre héritiers. Lorsqu’elle est bien menée, elle conduit à des accords équilibrés et à une atmosphère plus apaisée.
HabitationChanger assurance habitation : La procédureMais son efficacité dépend fortement du professionnalisme du ou des notaires ou avocats impliqués. Une médiation mal conduite peut en réalité desservir vos intérêts, en renforçant les incompréhensions ou en vous poussant vers des compromis défavorables.
La médiation ne devrait pas être l’exception, mais une pratique régulière dans les successions, y compris les plus modestes. Elle ne résout pas tout : son efficacité repose sur le sérieux et l’impartialité des professionnels qui l’encadrent. Mal conduite, elle peut fragiliser les héritiers au lieu de les protéger. Mais lorsqu’elle est bien mise en place, elle devient un outil précieux pour dépasser la méfiance, rétablir la confiance et éviter des blocages qui peuvent durer des années.
Une autre façon d’exercer existe
Heureusement, il existe des professionnels qui pratiquent autrement. J’ai eu l’occasion de travailler avec un avocat, ancien notaire, exerçant en région parisienne, qui privilégie la médiation et la pédagogie. Son approche — basée sur l’écoute, l’explication et la recherche d’accords équilibrés — montre qu’un accompagnement respectueux et constructif est possible, même sur des successions modestes.
Dans notre situation, Maître Dominique Jamois n’a pas eu recours à la médiation, mais il s’oriente aujourd’hui dans cette voie et se forme à ces pratiques. Selon lui, les procédures juridiques classiques sont souvent longues et coûteuses, tandis que la médiation représente une alternative plus rapide et adaptée aux familles.
HabitationLettre de résiliation assurance habitation : modèle type de lettre gratuitAvec le recul, je réalise aussi que ce manque de professionnalisme rencontré auprès d’autres intervenants m’a donné le temps de mieux comprendre les rouages d’un système qui privilégie les plus riches et ceux qui possèdent déjà la connaissance — notaires et avocats en premier lieu. Dans une succession, tout ne dépend pas que du droit : les relations humaines et la capacité des héritiers à comprendre les enjeux jouent un rôle majeur. Or certains, moins armés, peuvent se laisser influencer ou manipuler par d’autres pour des raisons financières, ce qui ajoute encore de la complexité à des situations déjà sensibles.
S’informer pour ne pas subir
Ce que mon expérience m’a appris, c’est qu’il ne faut jamais rester passif. Les familles doivent poser des questions, demander des explications claires et des preuves écrites de suivi. Aujourd’hui, nous disposons d’outils précieux : Internet, simulateurs fiscaux, et même les LLM (Large Language Models). Ces ressources ne remplacent pas un professionnel compétent, mais elles permettent de réduire l’asymétrie d’information et d’arriver aux rendez-vous mieux préparés.

Dans une succession, il est essentiel de ne pas se précipiter ni de laisser les émotions dicter les décisions. Le poids de l’affect, la charge sentimentale et les conflits familiaux font souvent ressurgir des blessures anciennes ou des rancunes enfouies. Dans ces moments, le recours à des tiers, médiateurs, conseillers extérieurs, peut offrir la distance nécessaire pour réfléchir sereinement.
Les solutions existent toujours, mais elles demandent du temps et de la vigilance. Une décision trop rapide, parce qu’elle paraît « facile », peut ensuite se révéler regrettable. Dans mon cas, le fait d’être accompagnée par ma mère et de rester attentive aux changements de ton et d’attitude de mon avocate m’a permis de comprendre que, bien que nous la rémunérions pour défendre nos intérêts, son orientation allait en réalité dans une autre direction.
Se protéger et savoir changer de professionnel
Un autre apprentissage que je retiens, c’est l’importance de garder des traces. Dans notre cas, avoir enregistré un rendez-vous en visioconférence avec l’avocate nous a permis de démontrer ses contradictions et de nourrir une demande d’enquête déontologique ainsi qu’une contestation des honoraires facturés. Cette démarche reste une étape ultime, mais elle peut s’avérer indispensable lorsque les manquements sont graves.
Il ne faut pas hésiter, si l’on constate que l’avocat ne fait pas le travail escompté, à changer de conseil. Continuer avec un professionnel démotivé ou peu rigoureux expose à des décisions contre-productives, parfois lourdes de conséquences.
HabitationQuel budget faut-il compter pour assurer son logement étudiant en France ?Malheureusement, dans beaucoup de dossiers, ce sont aussi les notaires qui bloquent la situation. Face à ces blocages, certains avocats se découragent et préfèrent orienter leurs clients vers des compromis désavantageux, simplement pour pouvoir libérer du temps au profit d’autres dossiers jugés plus “rentables”. Une raison de plus pour rester vigilant, garder la main sur ses choix et ne pas accepter de solutions par défaut.
Il n’existe pas de “petite succession”. Chaque héritier mérite transparence, clarté et accompagnement loyal, quel que soit le montant en jeu.
Mon témoignage n’a pas pour but de cibler un individu, mais de mettre en lumière une réalité trop fréquente : les successions modestes sont souvent négligées, alors même qu’elles représentent, pour les familles concernées, des choix de vie irréversibles.
HabitationAssurance emprunteur : quels changements avec la nouvelle loi en 2024 ?Il est temps que la médiation, l’information et la déontologie reprennent toute leur place dans ces moments décisifs, afin que plus aucune famille ne soit contrainte de renoncer faute d’avoir été réellement protégée.